Obscurité, ténèbres…un puits sans fond. Elle tombait. Elle ne savait pas depuis combien de temps mais jamais elle n’atteignait le sol. Un éclair de lucidité la fit s’accrocher au rebord et elle se retrouva en un instant au bord d’une immense falaise. Elle était pendue au-dessus d’un cours d’eau…non une rivière plutôt. C’était si haut ! Mais où se trouvait-elle ? Elle appela à l’aide plusieurs fois mais personne ne lui répondait, et elle n’avait pas assez de force ni d’appuis pour remonter toute seule. Ses mains lui faisaient mal, elle ne tarderait pas à lâcher bientôt. Elle ne savait pas nager. C’était la mort assurée. « Non, c’est irréel ! » Elle poussa un long cri de désespoir…et se tut lorsqu’elle cru entendre un bruit léger. « Aidez-moi, je vous en prie… » Sa respiration se faisait courte et le soleil tapait sur son crâne. Elle vit alors une silhouette approcher lentement vers elle. « Ma-kun ? C’est toi ? » Elle ne pouvait pas voir le visage de la personne mais elle devina que c’était un homme. Celui-ci s’accroupit et attrapa son poignet gauche. « Je vais te hisser, fais-moi confiance. » Sa voix était calme, sereine et apaisante. La jeune fille mis tout son poids sur sa main droite et souleva sa main gauche, que l’inconnu attrapa de la sienne et tira de toute ses forces. Le pied de la femme glissa sur les rochers et pendant un instant elle crû tomber. Mais l’homme la tenait fermement. Il se pencha vers elle et passa son bras sous ses aisselles pour la remonter. L’opération eut du succès et elle se retrouva sur la terre ferme, dans les bras de son sauveur. Tout avait été si vite ! La jeune femme s’écarta de lui et le regarda. Un rayon de soleil l’éblouit à l’instant même et l’inconnu en profita pour se relever et partir. « Non ! Ne me laissez pas seule ici ! » L’homme se tourna à demi mais il était toujours impossible de voir à quoi il ressemblait. « Je serais toujours là pour toi… » Il lui tourna le dos. « Mais… » De la musique parvint aux oreilles de la jeune femme, musique qui s’amplifiait plus le jeune homme disparait de sa vue. « Non… » Il lui était impossible de se lever, ses jambes la clouaient au sol. Elle reconnut la chanson, une qu’elle adorait écouter. « La symphonie n°5 en ut mineur de Beethoven, dite Symphonie du Destin ». Ses mots sortirent de sa bouche sans qu’elle l’ait voulu. L’inconnu ne devint bientôt plus qu’un minuscule point noir et maintenant la musique envahissait tout l’espace. Les violons accéléraient le rythme, semblable à celui des battements de son cœur. Puis il disparut et la jeune fille s’endormit avec l’odeur de son sauveur…l’encre.

La lumière éclairait le visage de Chiharu, ce qui la réveilla. Elle avait encore le MP3 sur les oreilles et la symphonie n°5 de Beethoven lui vrillait les tympans. Elle retira ses écouteurs et se leva pour se planter devant la fenêtre. Elle regarda le compas qui la narguait sur son bureau et s’avança pour le prendre dans ses mains. Elle fit glisser la pointe le long de son poignet et appuya un peu plus. La douleur se faisait de plus en plus forte. Ses yeux croisèrent alors la photo, très ancienne, qu’elle gardait précieusement d’elle et d’Aiba et elle reposa l’outil qu’elle tenait. « Je ne peux pas lui faire ça.» C’est lui qui la maintenait en vie depuis toutes ces années, à l’encourager, à lui redonner le sourire. Elle avait attendu si longtemps pour le revoir…Non elle ne pouvait pas se donner la mort alors qu’il était si près d’elle. Son cauchemar lui revint alors en mémoire. Elle ressentit une sorte de vide dans son ventre et chercha à redonner forme au visage de celui qui l’avait sauvé. Impossible. Il lui restait totalement inconnu. Pourtant elle était certaine de l’avoir pendant un instant reconnu. Cette voix, cette odeur…même la poignée de main lui était familière. Pourtant jamais on ne la sauvait dans ce cauchemar qu’elle faisait si souvent. Elle tombait sans arrêt et mourrait noyée ou écrasée. Alors pourquoi maintenant est-ce que ça changeait ? Un mal de tête la pris et elle retourna s’assoir sur son lit. C’est là qu’elle constata qu’elle avait dormi pendant 3 jours. Son ventre grogna à cet instant même et la jeune fille s’habilla rapidement pour sortir aller acheter à manger.

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3 jours passèrent sans que Sugiura Chiharu ne donne de nouvelles. Personne ne la revit. Sho désespérait de la revoir un jour, ne serait-ce qu’un instant. Il pensait à elle sans cesse et son cœur n’était jamais en paix. Il tomba malade l’après-midi même qui avait suivi l’incident, et il s’avéra selon le médecin qu’il couvait une grippe depuis des jours. Ce qui expliquait les malaises et le mal de tête affreux qui le prenaient depuis quelques temps. Le professionnel lui avait ordonné de se reposer et d’éviter de trop faire monter sa tension. « Facile à dire » avait pensé le rappeur, avec ce qui lui était arrivé ! Néanmoins il obéit et resta couché une journée entière avec un bon livre. Le lendemain, ils avaient tous fait une virée dans les magasins et restaurants, et même si l’ombre de la jeune fille planait au-dessus d’eux, ils s’amusèrent comme ils avaient l’habitude de le faire. Le 3ème jour, ils firent tous un jeux de société qui dura des heures, ainsi ni Aiba ni Sho ne purent se ressasser tous ces événements.

La nuit du 3ème au 4ème jour, le rappeur ne put dormir de la nuit. Il avait sommeil, mais impossible de fermer les paupières plus de quelques secondes. Il la revoyait, avec son air effrayé dans la salle de bain. Le sang qui coulait de ses narines et ses yeux bleus qui le regardaient comme s’il était un prédateur. Le jeune homme frissonna sous ses draps. Il détestait les films d’horreur, pourtant en repensant à cette scène il avait l’impression d’en avoir vécu un ! Mais impossible de lui en vouloir…Il se sentit minable de minauder sur des détails difficiles de sa vie alors qu’elle avait presque vécu l’enfer en à peine 27 ans d’existence. Il retourna tout ça dans sa tête toute la nuit et ne s’endormit vraiment qu’à l’aube, et pour seulement 1 heure.

Sho se regarda dans le miroir et arrangea autant qu’il le pouvait ses cheveux. Il avait étonnement maigri depuis quelques semaines, surtout du visage. « Au moins ça fera plaisir à Johnny-sama » Ce dernier tannait tous les Johnny’s pour qu’ils ne prennent pas de poids. Cependant ses cernes trahissaient son manque de sommeil. Ses traits étaient tirés et il avait d’énormes poches sous les yeux. « Pas beau à voir » pensa le rappeur. Il passa de l’eau sur son visage et resta un moment penché au-dessus du lavabo. Il se sentait mieux depuis qu’il avait pris les médicaments prescrits par le médecin, pourtant il subsistait une douleur. Après quelques secondes passées ainsi, il sortit de la salle de bain, celle-là même où son cauchemar avait pris forme. Il n’osait même pas regarder en direction du lieu où elle se tenait à cet instant là. Sho croisa Jun dans le couloir menant à sa chambre et il le prévint qu’il sortait un instant se promener. Le plus jeune acquiesça du menton et entra dans la salle de bain. Le rappeur alla chercher un sweet-shirt dans la chambre et sortit de la maison. Il resta sur le seuil un moment, respirant l’air frais du matin et mis finalement sa capuche sur sa tête. Il ne voulait pas être reconnu par des fans. Il marcha ainsi un long moment, profitant du soleil et de la sérénité que lui procurait cette petite balade. A l’instant même où il pensait faire marche arrière pour retourner chez Aiba, il se figea. En face de lui, le visage caché par ses cheveux et par une capuche identique à la sienne, se tenait la personne que son âme désespérait de ne plus jamais revoir. Oui, Sugiura Chiharu était devant lui, les mains dans les poches, les écouteurs sur les oreilles, un sac plastique pendant à son bras, le fixant de ses grands yeux bleus.

Les deux jeunes gens se fixèrent pendant quelques minutes, sans bouger. Sho ne savait pas s’il devait s’approcher, repartir ou rester là. La jeune fille ne l’aidait pas car elle ne bougeait pas non plus. Mais elle le fixait. Le rappeur se sentit rougir et il diminua la distance qui les séparait. La voyant reculer, il fit de même.

Le jeune homme se stoppa net au ton impérieux de sa voix. Elle était claire et sans hésitation. Chiharu le fixait toujours.

Il n’y avait aucune émotion dans sa voix. Totalement différent d’il y a 3 jours. Sho hocha de la tête. Il n’osait dire quoi que ce soit.

- Parce que c’est évident que c’est ce que tu ressens envers moi à l’instant même non ? La pauvre fille qui ne sait pas contrôler ses émotions et qui se ridiculise devant tout le monde. Qui ne sait pas se défendre.

- Ne te force pas à me mentir. Je préférerais tout autant que tu sois honnête avec moi. Je faisais pitié n’est-ce pas ?

Sho baissa les yeux. Son regard était insupportable et il n’arrivait pas à le soutenir. Oui c’est vrai, peut être qu’un instant il avait eu pitié d’elle. Mais comment le lui dire ?

Chiharu se retourna, prête à s’en aller. « Non, se dit le rappeur, je ne laisserais pas la situation telle qu’elle. »

- Oui, peut être que j’ai eu de la pitié pour toi. Mais c’est tout à fait normal à mon avis. Tout le monde aurait ressenti ça, tu ne penses pas ?

- Ensuite, j’étais sous le choc de ce qu’il s’est passé la dernière fois. J’ai eu peur, oui j’avoue. Tu m’as fait peur. Je me suis tellement inquiété pour toi que je n’ai pas su faire autre chose que de te toucher ! Sans contact, comment aurais-je pu t’aider ? Tu peux m’en vouloir, mais pas m’accuser !

Sho n’arrivait plus à s’arrêter, et le visage de sa locutrice passait par toutes sortes d’expressions qu’il ne parvenait plus à déchiffrer.

Le chanteur baissa la tête et s’apprêta à repartir en courant quand quelque chose lui empoigna les mains. Surpris, il se retourna et vit à sa grande surprise Chiharu agenouillée devant lui, tenant ses mains entre les siennes, si chaudes, le front contre sa paume. Il sentait ses larmes couler.

- Je t’en supplie, ne pars pas ! Je m’en veux tellement tu sais…Je rate tout, je fais du mal à tout le monde…je suis nulle et inutile ! Personne ne veux et ne voudra jamais de moi ! Même mes parents ne m’approchent plus…Mais qu’est-ce que je dois faire ? Je suis tellement incapable que je n’arrive même pas à aider les autres pour compenser. Je me dégoûte. Je suis trop susceptible et invivable ! Mais pourquoi ? Pourquoi moi ? Ma vie n’a aucun sens et n’a même pas lieu d’être ! Je n’arrive pas à y mettre fin…C’est insupportable, j’en ai marre…Regarde-moi, à me plaindre à une personne qui me connait à peine ! Une personne à qui j’ai fait du mal…je suis pitoyable ! Je veux mourir…

Chiharu pleurait toutes les larmes de son corps. Elle s’agrippait au bras de Sho qui finit par s’agenouiller devant elle, ignorant les regards des passants.

- Tu n’es pas tout ce que tu viens de décrire. Toute vie a son sens et sa raison d’être. Seulement tu ne les connais pas encore. Si tu fais du mal à tout le monde, c’est parce que personne ne cherche à savoir qui tu es et ce que tu ressens, alors tes actes leurs déplaisent. Tout le monde est en tort, il n’y a pas que toi. Et comment peux-tu dire que tu es inutile ? Je suis sûr que pour Aiba-chan tu es plus importante que nous 4 réunis. Tu es susceptible, et alors ? Personne n’est parfait. Moi-même je ne le suis pas, j’ai du mal à contrôler ma colère et pourtant j’essaye chaque jour de faire de mon mieux. Et te suicider ne résoudra en rien ta situation, je suis persuadé que tu le sais. Au pire tu ne feras que rendre les autres tristes, c’est ce que tu souhaites ?

- Tu vois. Tu es une bonne personne, il n’y a aucune raison de t’en vouloir ainsi. Je te pardonnes, je ne t’en ai même jamais voulu.

- Bien sûr que non ! Il en faudrait plus pour me faire détester quelqu’un. Allez reprends-toi…Je n’aime pas trop…te voir comme ça. Tu peux te plaindre à moi autant que tu veux, je serais toujours là pour t’écouter. Promis.

Chiharu se releva avec son aide et frotta ses vêtements salis par le sol. Sa capuche était retirée et ses courses étaient éparpillées au sol.

Il lui tendit son sachet de légumes et leurs mains se frôlèrent. La jeune fille s’écarta rapidement et se releva avec hâte. Il semblait à Sho qu’elle avait les joues rouges, mais sans doute était-ce le froid.

A sa grande surprise, Chiharu lui sourit et ses yeux retrouvèrent cet éclat qu’il avait remarqué à leur première rencontre.

Le rappeur se sentit tout de suite mieux et attendit qu’elle disparaisse au coin de la rue avant de partir à son tour. Il rentra chez Aiba, le cœur léger, certain que la situation entre lui et la jeune fille n’était pas si désespérée. Il lui avait parlé, il l’avait presque tenue dans ses bras et, plus important, ils s’étaient fait une promesse. Non, tout n’était pas perdu.

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Quand elle arriva chez elle, Chiharu s’assit dans le canapé du salon, chose qu’elle n’avait pas faite depuis des années. Elle regarda autour d’elle pendant un moment et se mit à sourire. Sa matinée s’était mieux passée que prévue et elle se sentait en paix. Même si son cauchemar la hantait toujours et que quelque chose en elle la dérangeait, ça n’avait plus d’importance pour l’instant. Elle avait fait une promesse à quelqu’un. Ce n’était pas dénué de sens pour elle. Cela voulait dire qu’elle faisait confiance à cette personne. La jeune femme se leva et se dirigea vers la fenêtre, qu’elle effleura du bout de ses doigts.